Les atrocités congolaises dans la littérature européenne populaire

 

Le cas des atrocités coloniales commises dans l’État Indépendant du Congo[3]  dont mes collègues historiens ont exposé les portées ici, a été largement exploité non seulement par la presse, la photographie et la caricature, mais aussi par la littérature. Le texte fondateur d’une tradition littéraire sur la violence coloniale au Congo est sans doute « Heart of Darkness » de Joseph Conrad[4] , ouvrage qui a créé une rhétorique de longue durée à propos de l’Afrique dont les métaphores sont toujours à l’œuvre dans maints travaux tant journalistiques que littéraires jusqu’à aujourd’hui. Kurtz devient le prototype du colonisateur cupide, fou et sadique suite à un complexe de supériorité et le narrateur Marlowe représente le témoin impuissant de la terreur coloniale dans une machinerie dont il fait aussi partie, malgré lui. Vu sa densité psychologique et rhétorique Heart of Darkness, reste en même temps un ouvrage singulier en ce qui concerne sa qualité littéraire à l’intérieur du champ de la littérature coloniale qui fonctionne souvent avec des schémas beaucoup plus simplistes, comme nous allons le voir. Durant la controverse anglo-belge sur la violence dans l’EIC, ou la «campagne anti-léopoldienne» comme on disait souvent en Belgique, les nombreux pamphlets de la Congo Reform Association fondée à Londres en 1904 et animée principalement par E.D. Morel [5], ainsi que les réponses de l’Association pour la Défense des Intérêts Belges à l’Étranger, fondée la même année à Bruxelles[6] , utilisaient aussi souvent une rhétorique littéraire afin de mieux faire passer leurs message de protestation ou de défense du système colonial en vigueur au Congo. Dans King Leopolds Congo (1904) et Red Rubber (1906) Morel mélange les analyses économiques et la polémique politique avec des récits sur la souffrance de la population. Ainsi il nous peint des tableaux de la vie paisible, voire idyllique dans les villages congolais d’avant la colonisation et raconte l’arrivée de la misère avec le système de travail forcé du caoutchouc, la violence des fustigations et des femmes otages, retenues en punition du peu de zèle de leurs maris, les expéditions punitives, finalement, razzias de destruction et de meurtre qui vont raser le village entier récalcitrant au système. [7]

Je voudrais ici mentionner brièvement, pour ne plus y revenir, que bien sûr, toutes les protestations anglaises ou autres contre l’EIC n’étaient pas guidées par un humanisme pur ; les intérêts politiques et commerciaux par rapport au Congo jouaient un grand rôle. Toutefois, la Congo Reform Association était un organisme qui dénonçait de façon effective les violences réelles commises dans le Congo de Léopold II où régna un régime de terreur assez particulier dans l’histoire coloniale. La rhétorique de l’association était peut être encline à des exagérations et généralisations que les historiens ont contredites, ce qui ne devrait pourtant pas permettre de minimiser la véritable souffrance et les centaines de milliers de morts de la population africaine[8]. Il faut reconnaître que Morel, les missionnaires Harris[9] et d’autres employaient une rhétorique de véritable lutte acharnée qui demandait un côté propagandiste. Remarquons aussi que tout processus colonisateur est lié à la violence et ce n’est un pas hasard si l’Allemagne participa relativement peu au débat intereuropéen sur les atrocités congolaises, car elle n’avait guère d’intérêt à attirer l’attention sur ce qui se passait à la même époque dans ses territoires africains: sur les massacres des résistants Maji-Maji en Tanzanie[10] et le génocide des Hereros en Namibie[11].

Il est vrai que, par rapport aux super-puissances coloniales: la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et le Portugal, le roi belge se trouvait dans une position faible qui permettait qu’on l’attaque sans retenue. Dans la foulée, le mécanisme de rejet des maux de la colonisation sur un système extérieur, le Congo belgo-léopoldien, sert aussi de déculpabilisation aux autres nations colonisatrices. La France, en particulier, accusée de mêmes crimes du régime de caoutchouc dans son Congo, allait même jusqu’à monter une affaire «d’atrocité congolaise» exemplaire – l’affaire Gaud-Toqué de 1905 – afin de montrer au monde que son régime judiciaire poursuivait effectivement les crimes coloniaux et de contraster ainsi son Congo avec le voisin réputé de plus en plus terrible[12].

 

Les littératures populaires et le Congo de Léopold II

S’inscrivant dans la ligne tracée par Conrad, d’une part, et celle de la rhétorique utilisée par la Morel et la Congo Reform Association, d’autre part, une large gamme de littérature populaire concernant les atrocités congolaises fut produite en Europe et aux États-Unis entre 1900 et 1910, et le motif trouve encore des échos bien au-delà de cette époque. Vu que l’État Indépendant du Congo recruta son personnel partout en Europe et que vers 1908 le mouvement de protestation contre le régime de Léopold II s’était largement étendu, le sujet intéressa aussi bien des auteurs professionnels ou amateurs anglais et français que des ressortissants de pays plus marginaux dans les questions coloniales: des scandinaves, italiens ou suisses. Le discours public et littéraire semble, de prime abord, se préoccuper de la situation de la population africaine qui souffre de la violence coloniale. Mais il est à souligner qu’aucun de ces textes ne met en question le «bien-fondé» de l’entreprise coloniale des Européens en Afrique et la conviction généralisée de l’infériorité «raciale» des Africains à partir des discours scientifiques en vigueur au 19ème siècle, voire le besoin de «civilisation» venant de l’extérieur. Cela suscite de questions: Car de quelle image du Congo/de l’Afrique s’agit il réellement dans ces ouvrages? Quel rôle jouent les Africains dans ce débat polémique entre les Européens colonisateurs ? Tout comme dans Heart of Darkness, dans la plupart de textes littéraires sur l’EIC, les Africains ne jouent guère plus qu’un rôle de figurants et c’est plutôt la psychologie des Blancs impliqués dans les horreurs coloniales qui est au centre du récit. Le Congo devient progressivement un lieu symbolique où certains conflits humains se jouent d’une manière exemplaire. Se référant à des éléments de terreur coloniale bien connue, car fortement médiatisée dans le débat sur le Congo, comme les mutilations de mains et les fustigations de chicotte, des scènes de supplice dans la littérature servent à élaborer une esthétique de l’horreur dans ces textes écrits en vue d’une réception populaire. D’une part, les écrivains voulaient, à partir de l’exemple de l’EIC, contribuer au débat moral sur la colonisation, d’autre part, sous leur plume, les atrocités devenaient aussi de la matière brute pour une littérature à sensation qui utilise les éléments de l’horreur coloniale pour créer de la tension et un plaisir du texte destiné au grand public.

Dans le cadre de cette communication brève, je vais me limiter à vous présenter quelques exemples significatifs des représentations littéraires des «atrocités congolaises». J’ai choisi de laisser de côté les textes anglais et américains qui sont très connus, ceux de Joseph Conrad[13] et King Leopold’s Soliloquy de Mark Twain (1905). Je vais aussi vite passer sur deux romans anglais qui ont paru dans le cadre d’une affiliation directe avec la Congo Reform Association: Il s’agit de « Samba. A Story of the Rubber Slaves of the Congo » par Herbert Strang (1906), un livre pour jeunes qui cite largement des pamphlets de Morel tout en combinant la description du système de caoutchouc avec les aventures d’un jeune homme mi-britannique, mi-américain qui vient au secours du jeune congolais Samba pour lutter contre les «mauvais Belges». Par contre, « The Pools of Silence », roman de H. de Vere Stacepoole non daté, mais qui doit avoir paru entre 1905 et 1908[14], est en grande partie un pastiche de Heart of Darkness auquel il emprunte la rhétorique du Blanc et du Noir, les motifs du cannibalisme et des coloniaux pris de folie et/ou de cupidité qui commettent d’innommables crimes violents envers la population africaine. Mais contrairement à la complexité de Conrad, Stacepoole simplifie les caractères des personnages jusqu’à la caricature: nous y trouvons des français décadents, des belges cupides, des missionnaires britanniques humanitaires et un américain innocent et héroïque.

Par la suite, je vais présenter un bref texte français, un recueil de nouvelles suisse et un roman italien et vous montrer comment ces textes littéraires exploitent le thème des atrocités congolaises dans une dynamique littéraire au delà de la seule cause politique.

 

«Le Caoutchouc Rouge» d’Octave Mirbeau: la fascination d’un régime sadique

C’est grâce à une réédition en brochure de l’éditeur belge Émile van Balberghe[15], que le chapitre «Le caoutchouc rouge» dans un livre d’Octave Mirbeau, « La 628-E8 » (1907), n’est pas complètement tombé dans l’oubli. Il s’agit d’un récit de voyage en automobile à travers l’Europe qui amène l’écrivain aussi à Bruxelles, ville qu’il juge, en bon français, «parfaitement inutile capitale nulle»[16] Mirbeau se retrouve devant un magasin qui vend des outils en caoutchouc et qui porte un nom symbolique: «écrit en rouge: Blothair et Cie»[17]. Le nom d’un des premiers tortionnaires fameux de l’EIC, Hubert Lothaire, qui était à la une de la presse européenne en 1895 se retrouve ici en amalgame avec un grand B comme Belge et étend ainsi la culpabilité à toute la nation, l’écriture en rouge étant déjà le signe du fameux «Red Rubber», symbole du système de terreur caoutchoutière popularisé à partir des écrits de Morel. Mirbeau rentre dans le magasin pour regarder les objets, et c’est à partir de là qu’il fera un voyage intérieur et imaginaire vers le Congo: «ces échantillons me fascinent. J’en arrive à ne pouvoir plus détacher mes yeux de ces morceaux de caoutchouc. Pourquoi n’y a-t-il pas d’images explicatives, de photos, dans cette vitrine? Mon imagination a vite fait d’y suppléer[18]. Mirbeau fait ici bien sûr allusion aux fameuses photographies des mutilés et suppliciés congolais prises par Alice Harris et Jospeh Clark et qui circulaient partout en Europe depuis 1903[19]. Par la suite, dans l’imaginaire du narrateur, l’histoire de la terreur coloniale au Congo se déroule rapidement, suivant trois étapes. Mirbeau peint d’abord une idylle précoloniale en usant le stéréotype raciste de l’enfantillage des Africains quand il parle «des nègres puérils […] nègres charmants, gentils et féroces».[20] Au deuxième pas, l’idylle tropicale s’efface brusquement avec l’arrivée du système de terreur coloniale:

«Et voici que, tout à coup, je vois sur eux, et qui les menace, le fouet du trafiquant, du colon et du fonctionnaire. Je n’en vois plus que conduits au travail […] et revenant du travail, la peau tailladée, moins nombreux qu’ils n’étaient partis. Je vois des exécutions, des massacres, des tortures (…) Et il me faut fermer les yeux pour échapper à la vision de toutes ces horreurs, dont ces échantillons de caoutchouc qui sont là, si immobiles, si neutres, se sont brusquement animés[21]

Après cette vision condensée d’horreur coloniale, le narrateur change vers une attitude de documentariste et commence à expliquer le système de la collecte du caoutchouc et ses usages. Par la même occasion, il assimile les Africains à la faune du pays avec une comparaison qui dégrade des hommes et des femmes aux plantes en usage: «de même qu’on incise les végétaux, on incise les déplorables races indigènes, et la même férocité qui fait arracher les lianes, dépeuple le pays de ses plantes humaines[22] Clairement, la faune et les hommes apparaissent d’une valeur identique dans l’économie coloniale. Sous la plume de Mirbeau, un tel discours apparaît pour le moins ambigu: est-ce de l’ironie ou répète-il tout simplement des parcelles de discours coloniaux en vogue? De fait, toute la littérature qui critique la violence coloniale au Congo ne s’est jamais distanciée de la rhétorique raciste et participe ainsi à une violence verbale envers l’Afrique à une échelle plus large. Octave Mirbeau, qui avait aussi publié un roman intitulé « Le jardin des supplices » (1899) dans la veine de l’exotisme décadent qui transfère des scènes de la tradition du Marquis de Sade dans une Chine mystérieuse, trouve avec le Congo de Léopold II un autre prétexte pour élaborer des images de tortures sadiques, mais fortement érotisées et esthétisées. Ainsi Mirbeau s’imagine dans sa vision: « des massacres, des tortures, où hurlent pêle-mêle, sanglants, des athlètes ligotés et qu’on crucifie, des femmes dont les supplices font un abominable spectacle voluptueux» et «nettement, dans une boule noire, j’ai distingué le tronc trop joli d’une négresse violée et décapitée»[23]. Les atrocités congolaises sont ici devenues un répertoire pour des scènes presque pittoresques d’horreur qui dégradent les Africains d’une autre manière que ne le fait la violence coloniale décriée: ils deviennent le matériel d’une littérature à sensation. Toutefois, il est vrai qu’un Octave Mirbeau s’autocritique et ironise aussi fortement, en reliant l’histoire du caoutchouc rouge à sa carrière d’automobiliste quand il écrit en fin du chapitre: «Si du sang nègre poisse à tous nos pneus, à tous nos câbles, la belle affaire! Pouvons-nous mieux associer les races inférieures à notre civilisation, les mêler de plus près aux besoins de notre commerce et de notre vie?»[24] Mirbeau était un critique acerbe de la colonisation, même française[25] , mais en même temps son petit texte montre l’ambiguïté d’une certaine fascination pour le morbide mêlé à l’exotique.

 « Sous la Chicote, nouvelles congolaises» de Daniel Bersot: la torture au centre du texte

Un recueil de nouvelles, intitulé « La vie au Congo: Sous la Chicote », parut, à Genève, en 1909. L’auteur, Daniel Bersot, semble bien être un auteur d’occasion (ou bien un pseudonyme), car ce nom n’est pas connu en dehors du débat sur les atrocités congolaises. La Suisse, petit pays apparemment neutre, était plus impliqué dans les questions coloniales qu’on ne pourrait le croire à première vue. De fait, une section suisse avait participé à l’aventure coloniale de Léopold II dès sa fondation de l’Association Internationale Africaine en 1876. Depuis, une presse et une littérature de rhétorique coloniale s’était établie en Suisse et beaucoup de missionnaires, géographes, commerçants et militaires s’identifiaient à la mission civilisatrice de l’Europe envers le continent africain ainsi qu’à son exploitation économique – souvent au service de l’EIC[26].

Six mois après la constitution de la Ligue Internationale pour la défense des indigènes dans le bassin du Congo par Pierre Mille et Félix Challaye à Paris en 1908, les sections suisses de cet organisme jumeau de la Congo Reform Association s’installèrent à Genève et à Bâle. Les activistes principaux étaient René Claparéde et le pasteur H. Christ-Socin qui se mettaient à organiser des soirées selon le modèle des «atrocity meetings» des missionnaires Harris où l’on montrait les fameuses photographies d’enfants mutilés, de fustigation et d’instruments de torture. Dans la préface à son livre, Daniel Bersot souligne qu’une telle soirée l’aurait inspiré à écrire ses nouvelles. Les photographies montrées au public provoquent deux réactions: «frissons» et «larmes»[27] que l’on pourrait traduire par «horreur et pitié». Avec ses nouvelles, Bersot souhaite provoquer les mêmes effets auprès de ses lecteurs. Le livre contient en fait de nombreuses scènes de supplice afin d’illustrer la terreur coloniale au Congo. La chicote, qui était comme le caoutchouc rouge un des symboles popularisés de la terreur coloniale dans l’EIC, apparaît comme l’instrument suprême de la violence exercée sur la population indigène et lie celle-ci directement à l’esclavagisme. Dans le livre, ce supplice de la fustigation est plusieurs fois décrit en détail, d’où le nom du recueil. Bersot écrit à propos de la chicotte:

«Instrument de domination et de martyre, d’un usage habituel, quotidien, excessif, la chicote est le symbole brutal de la force abattue sur les populations du Congo. Il n’est pas un noir, dans l’État indépendant, qui n’en porte les cicatrices entre les reins et les épaules. […] Sous la Chicote! Ces trois mots résument l’histoire du centre africain pendant ce dernier quart de siècle, ils caractérisent le régime d’oppression, d’impitoyable exploitation auquel est soumis un immense pays ils renferment en eux toute la vie de crainte et de labeur des nègres du Congo.[28]» Par la multiplication des scènes de supplice Bersot élabore dans ses nouvelles une vraie topographie de l’horreur. Cette contribution littéraire, dans le cadre du débat moral à propos des atrocités congolaises, s’avère en effet un divertissement certain pour le grand public: ces nouvelles d’horreur peuvent provoquer les frissons de sensation et de choc d’émotions agréables chez les lecteurs qui suivent ces histoires de loin, dans leurs fauteuils confortables – comme nous suivons aujourd’hui les images télévisées des guerres et des famines. Bien que les nouvelles affirment leur statut de fictions par des éléments fantastiques, des exagérations et par les jeux de mots, p.ex. au niveau des noms quand les colons belges s’appellent des van Dhurcoeur ou de Vanesse, la réception les a aussi compris comme des documents authentiques d’un témoin oculaire fiable, car l’auteur avait servi dans l’EIC durant quelques années[29]. Pourtant, l’esthétique de la violence mise en image littéraire propre au texte de Bersot lui assure le succès du mélange excitant de répulsion et de désir du genre populaire d’une littérature de l’horreur.

Ainsi, le plaisir sadique de l’agent Busaert surnommé Mundele-chicote – surnom qui apparaît aussi dans les sources historiques à propos d’un agent de Baringa qui excédait dans la punition par fustigation[30] – se concentre dans le regard voluptueux sur le corps supplicié, les coups étant portés par la milice africaine sous l’ordre du Blanc:

«Je trouve intéressant surtout de voir comment chacun supporte la torture. Tel se roule, et son corps devient flasque certains ont la peau si sensible que le sang gicle aux premiers coups, d’autres sont comme habillés de cuir. Le spectacle du corps frémissant est beau surtout chez les hommes robustes dont les muscles résistent et se bandent. Souvent, au moment palpitant, l’envie me prend de rire, tant me paraissent amusants à regarder ses museaux convulsés, douloureux, suppliants, furieux, ces lippes ridicules, ces yeux en boule de verre où roulent des larmes[31]

Intéressé au corps torturé, mais vivant, Busaert juge sa passion de voyeur d’ailleurs bien anodine, en les comparant aux autres crimes quotidiens au Congo: «Je n’ai jamais mutilés ni tués des nègres, moi… ni dynamités, ni échaudés, ni scalpé, ni pris pour cible, ni brûlé, ni jeté aux crocodiles, ni écorché vif je n’ai même pas coupé les mains!»[32]. Cette énumération de méthodes de torture met en abyme le potentiel du sadisme inhérent à la colonisation.

Il est pourtant significatif que selon le discours des personnages encore bien pensant dans ces nouvelles (des missionnaires, des médecins), les motifs des excès de sadisme de nombreux agents de l’État sont à chercher dans les influences néfastes de l’environnement africain. S’inscrivant ainsi dans le courant littéraire du naturalisme qui se voulait proche du déterminisme scientifique, le texte renvoie à un discours où l’Afrique demeure le milieu primitif par excellence qui «contamine» l’Européen. La nature africaine et les Congolais paraissent ainsi eux-mêmes coupables de faire éclater les instincts violents, que la civilisation européenne aurait supprimés: «l’homme primitif, ici libre d’entraves, tout à coup reparaît…»[33]. La plus large responsabilité des atrocités est finalement attribuée à l’Afrique elle-même, conçue comme un milieu de dégénérescence. L’on voit ici la filiation littéraire de Bersot avec Conrad dont il reprend aussi d’autres motifs comme l’agent qui devient chef d’une «tribu» africaine[34] ou le jeune capitaine, ici Norvégien, qui découvre l’horreur du Congo au cours de son voyage sur le fleuve[35].

Toutefois, Bersot montre une certaine originalité du fait que dans Sous la Chicote, les scènes de supplice ne se limitent pas exclusivement à une représentation des Africains en tant que victimes. Bersot imagine la vengeance possible des opprimés envers les colonisateurs. La résistance ne s’organise pas seulement à travers le refus du travail ou la rébellion, mais aussi par des attaques précises contre le corps de l’oppresseur. Les Africains ont recours aux forces magiques ainsi au pacte avec des animaux dangereux: crocodiles, serpents ou fourmis qu’ils mettent en service contre le Blanc. Ainsi le colonisateur Van Dhurcoeur meurt sous les morsures d’une armée de fourmis rouges dirigée contre lui par un chef africain. Cette «atrocité congolaise à l’envers» qui se prêterait bien au genre du film d’horreur ciblé sur les «bêtes affreuses», est longuement décrite:

«Aux premières morsures, l’homme se tord. Les fourmis attaquent d’abord les parties découvertes: les mains et le visage disparaissent sous leurs masses sombres.

Il semble que vont craquer et se rompre les liens qui serrent l’officier, tant ses convulsions se multiplient, tant sous la douleur se tendent ses muscles et ses nerfs. Chaque morsure est une brûlure, comme d’une goutte d’huile bouillante. Par les ouvertures des vêtements, les siafous ayant pénétrés, un voile de feu ceint le corps du malheureux.

L’œuvre destructive vite s’accomplit. Le visage déjà, à travers les déchirures du masque noir mobile que lui font les fourmis, paraît comme une figure d’écorché où saillent les muscles dénudés, d’une teinte rouge de viande fraîche et strié de cordons blancs, les tendons et les nerfs. Les paupières mangées, brille un instant la lueur bleue des yeux, et les dents rient étrangement dans la bouche sans lèvres. Van Dhurcœur vit encore. Mais ses soubresauts, qui font grincer le lit de camp, sont des convulsions d’agonie et la plainte basse issue de sa gorge est un râle de mort. La douleur a tué le lieutenant ou bien le poison distillé par les fourmis.Sur son cadavre, comme pour en voiler l’horreur, s’étend un drap funéraire sombre et mouvant, la multitude grouillante des siafous[36]

La scène de l’horrible dévoration vivante par les fourmis apparaît comme la métaphore de ce qui menace l’Européen dans le système colonial: les masses Noires pourraient se soulever contre leurs dominateurs et les annihiler totalement. Le fantasme du cannibalisme est aussi présent dans l’image du corps rongé jusqu’aux os, «un squelette net et blanc»[37].

 

« L’Airone » de Arnaldo Cipolla: roman allégorique de l’abus du désir colonial

Arnaldo Cipolla compte parmi les auteurs coloniaux italiens qui ont connu un certain succès populaire, surtout durant l’ère fasciste, mais qui sont aujourd’hui tombés dans l’oubli.[38] Avant d’entamer sa carrière de journaliste et écrivain, Cipolla avait servi pendant quelques années dans l’armée de l’EIC. De son séjour au Congo, il a publié deux récits de voyage : « Dal Congo de 1907 », rédigé avec Vittorio Liprandi, et « Al Congo. Memorie di un esploratore » (1917), des ouvrages qui marquent les distances de l’auteur face au système d’exploitation et de violence en régime dans l’EIC.

Rappelons que les Italiens étaient nombreux au service de l’EIC ils y servaient en tant que médecins, juristes et militaires. Selon les statistiques de l’époque, ils figurent entre 1897 et 1908 en deuxième position de la présence européenne au Congo, après les Belges[39]. En 1902, l’Italie avait d’ailleurs signé un traité avec Léopold II pour l’envoi d’officiers italiens, l’aidant ainsi dans son entreprise coloniale. Suite au rapport Casement de 1903 et au rapport d’Edoardo Baccari de 1904 qui confirme les accusations anglaises, l’Italie va casser ses rapports privilégiés avec l’EIC[40]. Le besoin de se distancier des méthodes «belges», en tant qu’Italien impliqué dans le système, se fait sentir dans les écrits de Arnaldo Cipolla. Ce n’est qu’en 1920 que paraît à Milan son roman « L’Airone. Romanzo dei fiumi equatoriali » (Le héron, roman des fleuves équatoriaux). La situation coloniale et les tensions entre colonisateurs et colonisés au Congo y sont mises en scène sous forme d’une histoire d’amour et de haine allégorique. Le protagoniste Evans[41] est conçu comme un représentant typique du système d’exploitation. Chef de la station Banzi, il a soumis les habitants de la région à un vrai régime de terreur afin d’extorquer les tributs en ivoire et en caoutchouc. Toujours plus attiré par la forêt profonde et les richesses qu’elle symbolise, Evans est en même temps fasciné et dégoûté par l’univers africain. Cet amour-haine de l’Afrique s’incarne symboliquement dans sa maîtresse africaine Mosila, «la vierge de la tribu» qui lui fut offert par les Africains afin d’apaiser sa cruauté. Evans désire et chérit Mosila– ou au moins son corps – en même temps il méprise la femme et maltraite ce corps adoré.

Dans L’Airone, la figure de Mosila incarne certains stéréotypes des femmes africaines que l’on retrouve dans des nombreux exemples des littératures coloniales au 19ème et 20ème siècle.[42] La sexualité effrénée[43] va de pair avec une avidité matérielle et la soumission humble envers le maître blanc. Chez Cipolla, le corps féminin sert également de cible à la violence qui exprime de fait l’impuissance du colonisateur envers l’Afrique qu’il ne peut finalement ni contrôler ni maîtriser vraiment:

«E l’adorabile corpo che spingeva i sensi dell’amante al di là della voluttà, domandava lo spasimo della frustata. E le bianche mani di Evans che l’avevano accarezzato, colpivano inesorabili / Et son corps adorable poussait la sensualité de son amant au-delà de la volupté, exigeait le spasme des coups de chicote. Et les mains blanches d’Evans qui l’avaient caressé s’abattaient sur lui sans pitié.»[44]

Le déchirement intérieur du colonisateur confronté à l’angoisse dans l’environnement africain, se décharge ici sur l’objet tangible de la femme qui lui paraît tantôt douce comme «un oiseau de paradis» tantôt sauvage comme «une léoparde».[45] Ainsi, une scène emblématique du roman – reprenant les scènes de fustigation classiques dans le discours sur les atrocités congolaises – nous montre le colonisateur dans une rage effrénée, fouettant Mosila jusqu’au sang. Ici, ce paroxysme de la violence envers l’aimée produit tout de même un choc psychologique chez le colonisateur qui s’exclame, en écho de Kurtz,: «Orrore! Orrore!» [46] Tandis que dans Heart of Darkness, le sens des dernières paroles de Kurtz reste ambigu, chez Cipolla «l’horreur» se réfère clairement à l’auto-critique d’un Européen engagé dans le déchaînement de la violence coloniale. La fustigation publique de la femme devient la «suprema umiliazione del Bianco/ suprême humiliation du Blanc»[47] aux yeux des Africains comme devant sa propre conscience chrétienne qui, finalement, se réveille.

Dans la suite de l’intrigue, Mosila, transformée en guide spirituel de son peuple – ce qui n’est pas sans rappeler la figure historique de Kimpa Vita/Béatrice du royaume du Congo au 18ème siècle – va entraîner les habitants de Banzi dans la fuite. Coupé de tout contact humain, Evans est condamné à errer dans la jungle tropicale qui devient un lieu dantesque, dans le sens d’une punition infernale, mais aussi avec l’espoir d’une purification du colonisateur capable de regretter ses actes. Car la recherche de «sa femme», allégorie du Congo/de l’Afrique, devient progressivement une quête aux connotations religieuses, une aspiration à la rédemption des péchés du colonialisme. La fin du roman est ouverte: nous ne savons pas si Evans a pu obtenir le pardon des hommes et de dieu et s’il a pu, en tant que transfuge culturel, commencer une nouvelle vie partagée avec les Africains. Mais on voit bien que finalement, dans ce texte, la critique concrète et politiquement engagée de la colonisation est bien moins importante que l’expression du drame intérieur d’un Européen dans l’espace africain. Le protagoniste Blanc reste le seul personnage dont le caractère préoccupe l’auteur même si Mosila joue un rôle important, il est clair qu’elle reste avant tout une figure allégorique au service de la critique symbolique de la colonisation dans ce roman, mais qu’en tant que personnage elle manque d’épaisseur. Cipolla est un exemple de plus qui prouve que la littérature coloniale, même bienveillante, n’était pas capable de transcender le discours raciste et stéréotypé de son époque.

Conclusion

Nous avons vu que dans les représentations littéraires des violences coloniales de l’ère des atrocités congolaises dans l’EIC, ces violences tendent à devenir des objets d’une esthétique curieuse qui met en scène des drames psychiques du colonisateur et/ou des spectacles d’une horreur d’autant plus voués à donner des frissons aux lecteurs que la violence décrite était réputée se référer à des événements réels. Je voudrais rappeler à la fin de mon bref parcours composé de trois exemples littéraires, l’implication d’une étude de Michel Foucault dans le phénomène de la violence coloniale: Surveiller et punir (1975). Foucault y analyse la disparition du supplice et des exécutions publiques dans les systèmes judiciaires en Europe. Je le cite:

«… a disparu en quelques dizaines d’années, le corps supplicié, dépecé, amputé, symboliquement marqué au visage ou à l’épaule, exposé vif ou mort, donné en spectacle. A disparu le corps comme cible majeure de la répression pénale. […]

S’efface donc au début du XIXe siècle le grand spectacle de la punition physique on esquive le corps supplicié on exclut du châtiment la mise en scène de la souffrance. On entre dans l’âge de la sobriété punitive. Cette disparition des supplices, on peut la considérer à peu près acquise vers les années 1830-1848[48] [48]

N’est-ce pas frappant que peu après l’entrée dans «l’âge de la sobriété punitive» de l’Europe, le colonialisme en Afrique avec toutes ses violences atteint son paroxysme? Au fond, on est tenté de dire qu’il ne s’agit donc pas d’une disparition du supplice public, mais de son déplacement vers les colonies. Le corps colonisé, le corps de l’homme et de la femme noir(e)s, êtres construits comme inférieurs par les discours racialisants et racistes, devient la cible de toutes les violences des bourreaux qui installent des régimes punitifs d’un arbitraire et d’une brutalité impossible en ce moment historique en Europe. Ces corps suppliciés des colonisés contiennent aussi tous les fantasmes des spectateurs et des lecteurs qui sont restés à la maison. Les images littéraires (ou peintes ou photographiées) de la torture, des corps dépecés, mutilés, marqués par la chicotte réimportent d’une certaine manière le spectacle de la peine publique dans les métropoles européennes. Dans le cadre des mouvements de protestation comme la Congo Reform Association, qui critiquait les excès violents d’un système colonial – sans mettre en question la colonisation comme système – cela se veut un geste de mise en lumière d’une injustice déplorée. Mais les narrations des atrocités congolaises dans les récits coloniaux sont bien imprégnées d’une dynamique propre à la littérature: la force des images et des symboles, emprisonnant les Africains dans leur rôle de «victimes primitives», et fascinant surtout le lecteur européens par leur charme, presque pittoresque, de l’horreur.

 

 

 

Dr. Susanne Gehrmann, Juniorprofessorin, Humboldt-Universität zu Berlin,

Seminar für Afrikawissenschaften

susanne.gehrmann@rz.hu-berlin.de

Bibliographie

 

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[1] Cette conférence donnée le 12 mai 2005 lors du colloque «Colonial Violence in Congo» à Tervuren est basée sur ma thèse parue en allemand Susanne Gehrmann: Kongo-Greuel. Zur literarischen Konfiguration eines kolonialkritischen Diskurses. Hildesheim: Olms, 2003 et reprend quelques arguments de mon article ultérieur Susanne Gehrmann: «Les littératures en marge du débat sur les «atrocités congolaises»: de l’engagement moral à l’horreur pittoresque», in: Revue de Littérature Comparée 2/2005, pp. 137-160

[2] Edward Said: Orientalism. New York: Pentheon Books, 1978 Culture and Imperialism. New York : Knopf/Random House, 1993.

[3] Par la suite abrégé par le sigle EIC.

[4] Paru d’abord en 1899 dans trois numéros du Blackwoods Magazine, puis 1902 en tant que livre.

[5] Sur la carrière de Morel cf. Cline, Catherine Ann: « E.D. Morel 1873-1924. The Strategies of Protest. » Belfast: Blackstaff 1980

[6] Cf. R. Wiggers: «De Fédération pour la Défense des Intérêts belges à l’Étranger en het Persbureau van de Onafhankelijke Kongostaat, 1903-1908», in: Bulletin des Séances de l’ARSOM XXXVIII, 2/1992, pp. 135-183.

[7] Cf. par exemple E.D. Morel: « King Leopold’s Rule in Africa ». Londres: Heinemann, 1904, pp. 33-38

[8]  Dans les années 1980, le débat sur l’étendue des crimes coloniaux au Congo a été mené de front par les historiens belges. Cf. à cet égard en particulier les positions de Daniel Vangroenweghe: « Du sang sur les lianes. Léopold II et son Congo », Didier Hatier, Brüssel, 1986 et de Jean Stengers: « Congo. Mythes et Réalités. 100 ans d’histoire ». Paris/Louvain-la-Neuve: Duculot, 1989.

[9] Cf. John H. Harris: « Botofé bo le iwa“ – „Rubber is death“ (Present Congo proverb). The Story of the Bongongwa Rubber Collectors ». Londres: n.d. L’épouse de John Harris, Alice Harris, a pris une grande partie des fameuses photographies qui montrent des Africains mutilés ou en deuil.

[10] Cf. Felicitas Becker [éd.]: « Der Maji-Maji-Krieg in Deutsch-Ostafrika:1905 – 1907 ». Berlin:Links,2005.

[11] Jürgen Zimmerer[éd.: « Völkermord in Deutsch-Südwestafrika:der Kolonialkrieg (1904 – 1908) in Namibia und seine Folgen ». Berlin:Links,2003.

[12] Cf. Jürgen Markstahler: « Die französische Kongo-Affäre 1905/1906 ». Ein Mittel in der imperialistischen Konkurrenz der Kolonialmächte. Stuttgart: Steiner 1986.

[13] À part Heart of Darkness il s’agit de la nouvelle An Outpost of Progress (1898) et du roman moins connu The Inheritors (1901), en co-édition avec Felix Madox Hüffer dont un des protagonistes s’avère une caricature de Léopold II.

[14] Il cite Mark Twain et L’EIC n’est pas encore devenu Congo belge. Le livre est annoncé dans le journal Official Organ de la Congo Reform Association en 1907.

[15] Mirbeau, Octave [1907]: « Le Caoutchouc Rouge » suivi de « Un sadisme colonial » par Émile van Balberghe. Bruxelles: Les libraires momentanément réunis, 1994.

[16] Mirbeau, «Le caoutchouc rouge», p. 5.

[17] Ibid, p. 5

[18] Ibid, p. 6

[19] À propos du rôle de la photographie dans le débat sur les atrocités congolaises cf. Susanne Gehrmann: «Ikonographie der Kongo-Greuel», in: « Kongo-Greuel. Zur literarischen Konfiguration eines kolonialkritischen Diskurses ». Hildesheim: Olms, 2003, pp. 271-297

[20] Mirbeau, «Le caoutchouc rouge», p. 6.

[21] Ibid, p. 6-7.

[22] Ibid, p. 7.

[23] Ibid, p. 6-7.

[24] Ibid p. 7-8.

[25] Cf. le chapitre neuf dans Octave Mirbeau [1901]: « Les 21 jours d’un neurasthénique ». Paris: Édition de Septembre, 1990, consacré au Général Archinard, conquérant du Soudan français, critiqué ici d’une manière cynique par Mirbeau.

[26] Selon une statistique de général gouverneur Fuchs de l’année 1904 898 Belges, 197 Italiens et 89 Suisses (suivis de Suédois, Danois, Allemands, Norvégiens, Finnois et Anglais) était en service dans l’EIC cité chez Jules Marchal: « E.D. Morel contre Léopold II. L’histoire du Congo 1900-1910 », vol. 1, Paris: L’Harmattan 1996, p. 250.

[27] Daniel Bersot, « Sous la Chicote. La vie au Congo. Nouvelles Congolaises ». Genève: A. Jullien, 1909, p. V.

[28] Ibid, p. VI/VII

[29] Cf. René Claparéde/ H. Christ-Socin: « L’Évolution d’un État philanthropique ». Genève: Édition Atar, 1909, p. 165 et 268

[30] Cf. Daniel Vangroenweghe: « Du sang sur les lianes. Léopold II et son Congo ». Bruxelles: Didier Hatier, 1986, p. 115.

[31] Bersot, Sous la Chicote, p. 144.[32].[33].[34] Il s’agit de la série de trois nouvelles sur l’agent Vanesse, ibid., pp. 153-241.

[32] Ibid, p. 154

[33] Ibid. p. 88

[34] Il s’agit de la série de trois nouvelles sur l’agent Vanesse, ibid., pp. 153-241.

[35] «Le journal du capitaine Bjoernboe», ibid., pp. 48-126

[36]  Ibid., p. 32 -33.[37.

[37]  Ibid., p. 34

[38] Cf. Gigliota De Donato/Vanna Gazzola Stacchini (éds.) : « I Best Seller del Ventennio. Il regime e il libro di massa ». Rome: Editori Riunti, 1991, pp. 381-389 et 677-678.

[39] Cf. note 25.

[40] [40] À propos de ces circonstances historiques cf. Liane Ranieri: « Les relations entre l’État indépendant du Congo et l’Italie ». Bruxelles: ARSOM, 1959.

[41] La nationalité de ce protagoniste n’est pas clairement nommée – tout comme Kurtz chez Conrad, il représente donc l’Européen en général dans son face-à-face avec la colonisation.

[42] Henry Morton Stanley, « In Darkest Africa » [1878] cite d’après David Spurr: « The Rhetoric of Empire. Colonial Discourse in Journalism, Travel Writing, and Imperial Administration ». Durham/Londres: Duke University Press, 1993, p. 170.

 

[43] Cf. notamment l’étude de T. Denenan Sharpley-Whiting: « Black Venus. Sexualized Savages, Primal Fears, and Primitive Narratives in French ». Durham: Duke University Press, 1999.

[44] Arnaldo Cipolla: « L’Airone. Romanzo dei fiumi equatoriali ». Milan: Casa Editrice Vitagliano, p. 15

[45] Idem.

[46] Ibid., p. 60

[47]  Ibid., p. 60

[48] Michel Foucault : Surveiller et punir. Naissance de la prison. Paris: Gallimard 1975, p. 14 et 20.

 

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